"Dans la peau de Blanche Houellebecq" : le verdict des ajuciens
- AJUCA 🌺
- 5 juil. 2024
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 8 juil. 2024
‘’Dans la peau de Blanche Houellebecq’’, est le dernier volet de la trilogie satirique de Nicolas Nicloux. Après L’enlèvement de Michel Houellebecq et Thalasso, ce film met en scène Blanche Gardin qui, dans son propre rôle, interprète une présidente de concours de sosies de Michel Houellebecq en … Guadeloupe ?

Cependant, même si le pitch de cette comédie noire fait sourire, elle reste néanmoins assez douloureuse à regarder, tant le film offre le portrait d’une Guadeloupe qui ne mérite pas d’être enfermée dans de si grotesques clichés. Avec une ouverture pourtant assez prometteuse le film commence sur une citation de feu l’écrivaine guadeloupéenne Maryse Condé :
« Le rire est le premier pas vers la libération. On commence par rire. On rit donc on se libère. On se libère donc on peut combattre.»
Avec cette phrase qui donne le ton, le réalisateur semble vouloir s’émanciper du regard colonial qui pourrait lui être reproché en plaçant la Guadeloupe en toile de fond de son récit, et pose la question : Peut-on aujourd’hui aborder des sujets importants et complexes dans une comédie sans se sentir coupable ? Mais de quels sujets sérieux veut-il bien traiter ?
Le film conte les péripéties d'une bande d'amis venant de France métropolitaine et se rendant en Guadeloupe pour animer un concours de sosies de Michel Houellebecq (comme si les habitants n'avaient rien de mieux à faire). Nicloux prend comme toile de fond une Guadeloupe en proie à des bombardements terroristes indépendantistes, autant dire une représentation tout aussi fausse que désintéressée. Cela aurait pu être intéressant si ce sujet avait été traité, cependant le film l’éclipse entièrement. Qui pose les bombes, où et pourquoi ? Le spectateur est laissé sans réponse, marqué inconsciemment par ses caricatures non représentatives de la Guadeloupe moderne.
L'usage d'images d'archives d'interviews de personnalités indépendantistes comme Elie Domota ou Luc Reinette (auteur de nuits bleus en Guadeloupe) ne fait que renforcer le caractère documentaire du film, offrant comme vérité générale aux spectateurs, une Guadeloupe bien loin de ce qu'elle est.
Si cette comédie cinglante semble pointer du doigt Michel Houellebecq et ses remarques raciste passées, le caractérisant comme un bon gros débile (mais toutefois très talentueux car tout le monde apprécie grandement ses œuvres dans le film), il est important de mettre en avant son utilisation abusive et malsaine de la Guadeloupe, représentée comme un territoire dangereux, au climat insoutenable, aux habitants racistes et peu fut-fut, qui vont même jusqu’à servir (littéralement) de punching-ball aux protagonistes, et ce sans aucune conséquence. L’usage du créole sur grand écran est très réjouissant, hélas les protagonistes ne le comprennent pas et le font savoir à de très nombreuses reprises, créant une réelle distance entre les locaux et les protagonistes principaux.
La région ressort comme dépersonnalisée, vue au travers d'un regard métropolitain, et qui plus est de bonne vieille droite malgré tous les efforts fournis pour y glisser une vision anticoloniale.
Faisons abstraction du scénario et de nos avis divergents pour dire qu’il se veut innovant dans son ton et dans le traitement caricatural de ses personnages principaux. Finalement on y passerait presque un bon moment en omettant tout ce qui vient d'être dit, et c’est bien ça qui est dangereux ! Le genre de la comédie fait adhérer à la vision donnée, aussi erronée et pleine de clichés soit-elle.
Spectateurs, spectatrices, prenez garde à vos imaginaires et ne les confiez pas à n'importe qui.
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